Avoir un enfant bilingue est le rêve de beaucoup de parents ! Pour certains ce rêve se réalise aisément lorsque l’un des deux parents, voire les 2 sont issus d’une autre culture. Mais est-ce si simple ? Les enfants qui grandissent dans une double culture partent-ils vraiment avec un avantage ? Certains de nos smartsitters ont grandi dans une double culture, ils témoignent pour vous.
Être bilingue, ça commence dès la naissance
Vous l’avez peut-être déjà remarqué, les enfants sont de vraies éponges. Dès la naissance, l’activité cognitive bat son plein, En entendant des langues différentes au quotidien, l’enfant va intégrer les mots qu’il entend, sans pour autant les comprendre ou les utiliser. En effet, comme l’explique Ranka Bijeljac-Babić, psycholinguiste: “C’est durant ses premières années qu’il sera le plus réceptif. Ses capacités naturelles seront optimales. C’est comme respirer”. Les smartsitters que nous avons interrogées sont issues de familles étrangères et étaient des enfants bilingues. Elles ont appris le français en dehors du cercle familial. Saoirse [à prononcer Sircha, ndlr] est née en France, d’une mère écossaise et d’un père irlandais. Depuis sa naissance elle baigne dans l’anglais. Ana est également née en France de parents russes. Quant à Anicé, elle a grandi au Guatemala avec une mère qui lui parlait en espagnol. C’est au lycée français qu’elle a appris l’anglais et le français.
En maternelle, focus sur le langage
En maternelle, les enseignements se focalisent sur la motricité, l’autonomie et surtout, le langage. C’est une étape importante dans la vie de l’enfant. A ce stade de leur apprentissage, ils se concentrent sur la communication. Ils cherchent à faire passer leurs idées sans se préoccuper des fautes. Même si les parents parlent une langue étrangère à la maison, découvrir le français à l’école n’est pas un problème pour des enfants de cet âge. Pour Anicé, la découverte du français en maternelle s’est faite très simplement, elle nous confie qu’elle n’a pas souvenir de difficulté.
Tout comme Ana, qui a découvert le français dans une école maternelle publique. A cet âge là, l’apprentissage se faisait facilement: “Petite j’ai fait une petite crise, pendant laquelle je ne voulais plus parler russe, mais ma maman m’a mis des dessins animés en russe et s’est vite passé [rires]” raconte-t-elle..
L’entrée à l’école primaire, frein dans les grands apprentissages ?
L’entrée au primaire, marque une grande étape dans la vie scolaire, surtout pour un enfant bilingue. Des études ont d’ailleurs prouvé qu’après 6 ans, l’apprentissage d’une nouvelle langue est difficile. C’est le moment pendant lequel le cerveau intègre des connaissances difficiles et structurantes. Le fait de passer d’une langue à une autre rend cette assimilation encore plus complexe.
Saoirse nous raconte : “un jour le téléphone de la maison a sonné, c’était notre voisin qui parlait en français, j’ai compris tout ce qu’il m’a dit, mais au moment de lui répondre, j’étais complètement bloquée. Impossible pour moi de sortir le moindre mot…”. A force de pratique, le français est revenu rapidement. Néanmoins à force d’alterner entre deux langues au moment d’apprendre à lire, Saoirse a développé une légère dyslexie en CE1. Son retard a vite été rattrapé en CM1 et CM2 avec l’aide d’un orthophoniste et de ses instituteurs. Pour éviter ces problèmes, Ranka Bijeljac-Babić met l’accent sur l’écrit, qui est aussi important que le langage. Elle rassure en précisant que l’enfant bilingue “ ne sera peut-être pas aussi bon dans les deux idiomes mais ce n’est pas très grave !”.
Pour nos deux autres smartsitters, même si l’apprentissage a été plus simple, elles ont rencontré quelques difficultés. Anicé a eu quelques problèmes car le français n’était pas sa langue maternelle : “je n’avais pas l’instinct de savoir si je faisais des fautes ou non. Heureusement, les professeurs étaient là pour me corriger, car je traduisais littéralement. Mais globalement ça ne m’a pas posé plus de problème que ça, parce que je parlais français depuis petite”, commente-t-elle. Tout comme Ana: “certaines expressions me semblaient compliquées, je devais demander ce que voulait dire tel mot. J’étais capable d’expliquer mes idées, mais avec moins de vocabulaire et des mots moins précis”.
Enfant bilingue, un atout social ?
Malgré quelques difficultés rencontrées, nos smartsitters nous racontent qu’être un enfant bilingue est source de valorisation. Les parents de Saoirse, contrairement à beaucoup de familles expatriées, ont fait le choix de la mettre dans une école publique française, pour qu’elle s’imprègne de la langue. À son retour en Écosse, à 6 ans, ses amis étaient “émerveillés” qu’elle parle français. Ana confirme que son bilinguisme était un vrai plus pour se faire des copains: “on me posait plein de questions, comment on dit ça ? Je sentais que j’avais un atout, un avantage. Également auprès des professeurs”.
Une fois adulte, le bilinguisme devient une source d’opportunités
Être un enfant bilingue facilite l’accès à certains jobs comme le tourisme ou la diplomatie, une meilleure compréhension des enjeux des deux côtés. Par exemple, Anicé, en double licence histoire-sciences politiques souhaite devenir ministre de l’éducation au Guatemala. Lorsque le travail porte sur la traduction, les nuances sont mieux comprises, une personne bilingue interprète mieux les propos de l’auteur. Pour Ana, le bilinguisme lui a facilité l’apprentissage d’autres langues. L’anglais n’était qu’une formalité et l’espagnol fut difficile pendant les deux premières années, mais le déclic est vite venu. Elle a ensuite appris le japonais au lycée. Elle explique que le fait de connaître deux structures de langues totalement différentes (pour elle le russe et le français), donne un avantage considérable : “Tu n’es pas restreint dans les règles, tu sais qu’il y a autre chose qui existe. Tu acceptes davantage d’autres structures et ton cerveau les assimile mieux. »
Ouverture d’esprit
Ana rajoute : « Durant ma scolarité, j’ai pu faire un double diplôme en Angleterre que je n’aurais pas eu sans être bilingue. Si tu parles trois langues c‘est génial, quatre c’est encore mieux. Grâce à cela j’ai pu faire des séjours à l’étranger. Dans ma façon de communiquer avec les internationaux, j’ai pu me faire des amis dans le monde entier. Mon bilinguisme m’a donné une ouverture d’esprit hyper utile. Je n’ai eu aucun mal à aller à la rencontre de nouvelles personnes, quand certains jeunes ont tendance à rester avec des gens de même culture.” L’apprentissage de deux langues s’accompagnent souvent de la découverte des cultures qui y sont rattachées. Les jeunes bilingues ont une ouverture d’esprit et une sociabilité plus développées.
En conclusion, choisir d’élever son enfant dans le bilinguisme est un parcours semé d’embûches en particulier au moment des grands apprentissages de l’école. Le fait d’apprendre deux langues avec de nouvelles connaissances en plus, peut s’avérer difficile. Mais il faut persévérer aux vues des opportunités que cela offre ! Nous retenons également qu’il est plus simple de séparer les lieux d’apprentissage des langues : une langue à la maison, l’autre à l’école.
Bibliographie
O’NEIL C, Les enfants et l’enseignement des langues étrangères, les Éditions DIDIER, 1993
GAONAC’H D., L’apprentissage précoce d’une langue étrangère, 2006.
Bonjour, cet article est très intéressant et démontre la vraie richesse qu’est le bilinguisme pour un enfant. S’il est ici souvent lié à un parent issu d’une culture différente, il me semble pour autant qu’il soit possible d’avoir des enfants bilingues en les inscrivant dans des écoles adaptées et prévues pour. Bonne continuation.
Bonjour,
Tout à fait, il est vrai que nous ne l’avons pas mentionné, mais c’est aussi une possibilité. Merci pour le complément 🙂
Belle journée à vous,